Le racisme, prix de l’indépendance ?

L’explorateur espagnol Christophe Colomb débarque en 1492 sur l’actuelle île d’Haïti qu’il baptise Hispaniola. A l’époque, les indigènes l’appelaient Ayiti, Quisqueya ou Bohio.

Les Espagnols commencent à y exploiter de l’or réduisant en esclavage environ 100 000 indigènes. 

Mais touchée par les maladies importées par les européens et les mauvais traitements, la population amérindienne disparaît en quelques décennies. Elle est ensuite remplacée par des esclaves venues d’Afrique (Bénin, Guinée, Sénégal…)  travaillant désormais sur les fructueuses plantations de café et de canne à sucre gérées par les colons Français.

Environ 200 ans passent et dans une atmosphère de révolution française en métropole, un groupe d’anciens esclaves et de noirs affranchis dirigés par Toussaint Louverture, ancien général de l’armée française, décident de se révolter également contre le régime esclavagiste et le fameux Code Noir de Napoléon Bonaparte, alors premier consul de France.

Après 12 ans de conflit, les forces de Napoléon Bonaparte sont vaincues par le successeur de Louverture, Jean-Jacques Dessalines, qui déclare la souveraineté d’Haïti le 1er janvier 1804 – première nation indépendante d’Amérique latine et des Caraïbes, le premier pays à abolir l’esclavage et le seul État de l’histoire établi par une révolte des esclaves réussie.

Hormis Alexandre Pétion, premier président de la République, tous les premiers dirigeants d’Haïti étaient d’anciens esclaves. 

Alors comment se fait-il qu’une telle histoire ne soit pas mondialement connue? Pourquoi Haiti est un pays si peu connu des noirs à l’international ?

Un peuple qui brise ses chaînes et obtient son indépendance face à la plus puissante armée militaire à ce moment là, pourquoi n’en parle-t-on pas? 

Et bien parce que dans un monde capitaliste tout à un prix. Même la liberté.

La nouvelle qu’un peuple d’esclave ait pu arracher de ses propres mains sa liberté ne peut s’ébruiter dans un système économique esclavagiste qui rend l’Europe si prospère. Alors on va faire payer cette audace.

Rappelons qu’entre le XVIème et le XIXème siècle, plus de 30 millions de personnes ont été kidnappées en Afrique et vendues comme esclaves aux Amériques et aux Caraïbes. 

Les victimes de ce trafic pratiqué par des puissances européennes comme le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas n’ont jamais reçu de compensation économique une fois l’esclavage aboli. 

Dans le cas d’Haïti, la France va plus loin : elle demande des compensations pour les pertes de revenues des colons. 150 millions de francs à payer en échange pour être reconnue en tant que nation. Aussi incroyable que cela puisse paraître, cette reconnaissance ne s’est jamais produite à proprement parlé. 

Puisque pour payer la dette à la France, Haiti contracte des dettes auprès des États-Unis, qui, à leur tour, ont envahi et imposé des dictatures pendant la plus grande partie du XXème siècle en Haïti. Un jeu d’influence s’installe alors entre la France et les Etats Unis qui se tirent la couverture, ne voulant pas perdre leurs intérêts géopolitique et économique dans la zone Caribéenne.

Depuis son indépendance, la première république noire n’a eu aucune chance pour bénéficier de ses ressources, investir dans ses infrastructures ou se faire entendre sur la scène internationale. L’occident s’est jamais tourné vers Haïti que pour lui extorquer sa richesse, étrangler ses chances de développement et détruire son économie locale sous semblant de charité.

(Notre incompréhension devant un panneau publicitaire faisant la promotion du riz américain aux haïtien
– PAP Dec. 2018)

Au lieu de saluer le courage de ce peuple d’esclaves qui a su briser ses chaînes, Haïti est aujourd’hui mondialement connu comme étant le pays le plus pauvre de la Caraïbe, dans lequel s’est produit le plus dévastateur des tremblements de terre. 

Comment une telle tragédie a-t-elle pu prendre le pas sur une victoire historique pour tout un peuple ?

Quand l‘haïtien émigre aux Etats-Unis, il est pointé du doigt pour faire partie du fameux Club des 4H : Homosexuels, Hémophiles, Héroïnomanes, Haïtiens, à l’épicentre de la propagation du virus du SIDA. Quand l’Haïtien migre en Europe, il devient citoyen de seconde classe.

Ce traitement n’est malheureusement pas réservé qu’aux haïtiens, mais à tous les peuples du monde entier issus de la colonisation, ou de l’immigration comme on l’appelle aujourd’hui. 

C’est à se demander si le racisme que nous vivons aujourd’hui n’est pas le prix que nous payons pour l’indépendance et le droit à la liberté obtenus par nos ancêtres…

L’Histoire des pays noirs est importante à être rappelée et commémorée pour remettre les choses dans leurs contextes et ne pas perpétuer une version biaisée des événements.